LES RÉGIONS













LA CARTE DES RÉGIONS, UNE ANNÉE DE TRACTAIONS
Le Monde.fr | • Mis à jour le

Manuel Valls, premier ministre, avec Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense et ancien président de la région Bretagne, le 18 décembre 2014 à Brest.



L’Alsace fusionne donc avec sa voisine la Lorraine et, un peu plus à l’ouest, avec la Champagne-Ardenne, formant un ensemble presque aussi vaste que la Belgique ; Le Nord-Pas-de-Calais devra se marier avec la Picardie malgré le désaccord de Martine Aubry, la maire socialiste de Lille ; la Bourgogne et la Franche-Comté se sont déjà dit oui avant le vote ; Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon vont s’unir ; les deux Normandie ne feront plus qu’une ; l’Auvergne va devoir exister auprès de son puissant voisin Rhône-Alpes ; l’Aquitaine s’accorde un mariage à trois avec le Limousin et Poitou-Charentes
Ce vaste puzzle régional a été voulu par François Hollande. Pour en arriver là, alors que la réforme territoriale du gouvernement ronronnait, le président de la République jette, le 14 janvier, un pavé dans la mare en appelant à une fusion des communes, des départements et des « régions d’abord, dont le nombre peut évoluer. » Coup de tonnerre pour les exécutifs des 22 régions et 101 départements métropolitains, et autant de baronnies locales.

Qui va fusionner ? Combien de régions vont disparaître ? Comme lors de l’examen de la réforme sur les métropoles, les élus locaux fourbissent leurs argumentaires et soignent leurs réseaux auprès de l’Élysée. Objectif : passer entre les gouttes d’un projet de loi dont ils se passeraient bien.

La France sera-t-elle composée de 12, 13, 14 ou 15 régions ? Le député du Nord Bernard Roman rappelle les conditions dans lesquelles a été dessinée la France des 22 régions en 1982 : « Pierre Mauroy avait d’abord présenté une carte de seize régions, mais François Mitterrand lui a répondu qu’il y avait plus de seize socialistes qui voulaient devenir président de région. Le premier ministre est ressorti du bureau avec vingt-deux régions. » Manuel Valls, fraîchement arrivé à la tête du gouvernement, s’engage à son tour à simplifier le « millefeuille territorial ». Lors de son discours de politique générale du 8 avril, il fixe comme objectif de réduire de moitié le nombre de régions.

C’est le 15 juillet, en réunion de groupe PS, qu’une nouvelle carte à 13 régions est tracée pour ne plus varier, au grand dam des proches de Martine Aubry et des députés du Nord qui fulminent de se voir assemblés avec les Picards, et des Alsaciens qui refusent toute union avec leurs voisins. Malgré une bataille parlementaire passionnée, les nouvelles frontières sont posées.

La réforme territoriale est pourtant loin d’être terminée. Le Sénat a amorcé cette semaine le débat sur la refonte des compétences des collectivités. Un volet plus technique du « big bang » territorial voulu par le gouvernement, mais autrement plus important dans l’objectif d’un véritable acte III de la décentralisation.











LE CAS BRETON

Dans l’Ouest, un rapprochement des Pays de la Loire et de la Bretagne pourrait se dessiner. Ce plan a l’aval de Jean-Marc Ayrault, ancien premier ministre, de Bernard Poignant, ancien maire de Quimper et conseiller présidentiel, et même de Jacques Auxiette, président socialiste des Pays de Loire. Mais c’est compter sans l’influence de Jean-Yves Le Drian, le ministre de la défense, ancien président de la Bretagne et très proche du président de la République. Il s’oppose à toute fusion avec son voisin. Il obtiendra gain de cause, démontrant la puissance du lobby breton.


La Bretagne laissée seule, l’Élysée doit refaire sa carte et retrouver des équilibres autour de métropoles ou de bassins de vie cohérents, une gageure. Dans les dernières heures de consultation, les Pays de la Loire ont été mariés d’abord avec le Centre puis avec Poitou-Charentes, cette dernière version ayant précédemment été défendue par Ségolène Royal, ministre de l’écologie et ancienne présidente de la région. Enfin, le 2 juin au soir, François Hollande tranche et fournit à la presse une carte de 14 régions dans laquelle il laisse le Nord-Pas-de-Calais seul, sensible à la pression de Martine Aubry. Il forme une grande région fusionnant le Centre avec Limousin et le Poitou-Charentes, il marie l’Alsace et la Lorraine, la Champagne-Ardenne et la Picardie… Mais tous ses arbitrages ne dureront que quelques semaines.












Les nouvelles frontières, « je les ai déjà bien en tête », s’avance en mai Marylise Lebranchu, la ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique. Mais c’est à l’Élysée que les décisions se prennent. François Hollande dessine à sa manière, en multipliant les consultations, les coups de téléphone et les poignées de mains. Les premières pièces du puzzle sont faciles à placer. « Nous avons d’abord acté les mariages qui paraissaient naturels : l’Alsace avec la Lorraine, la Franche-Comté et la Bourgogne, et les deux Normandie. Nous avons ensuite isolé les régions qui étaient trop grosses pour fusionner, comme l’Ile-de-France ou Provence-Alpes-Côte d'Azur. Puis nous avons identifié celles qui avaient une histoire et une identité très marquées », explique un conseiller gouvernemental.